Un lien direct avec l’espace

En décembre 2020, depuis mon jardin en Bretagne, j’ai participé à un évènement unique : capter des images transmises directement par la station spatiale internationale depuis l’espace. Avec un simple équipement, j’ai pu établir une connexion en direct avec l’ISS durant quelques minutes à plus de 400 km au-dessus de moi. J'ai pu reproduire cette expérience un an plus tard, ce qui m'a permis d'obtenir deux certificats officiels d'ARISS, programme collaboratif impliquant la NASA, l'ESA et d'autres agences spatiales.

ARISS SSTV : quand les astronautes transmettent des images

ARISS (Amateur Radio on the International Space Station) est un projet éducatif international qui permet aux radioamateurs du monde entier de recevoir des transmissions depuis l'ISS. Créé en coopération entre plusieurs agences spatiales (NASA, ESA, JAXA, Roscosmos) et des associations internationales de radioamateurs, ce programme vise à susciter l'intérêt pour les sciences et l'espace auprès du grand public.

Plusieurs fois par an, la station organise des évènements SSTV (Slow Scan Television) pendant 3 à 5 jours, où elle transmet continuellement des images en utilisant cette technologie qui convertit les images en signaux audio. Contrairement à la télévision classique qui transmet des images en mouvement, le SSTV est une technologie qui envoie des images fixes, ligne par ligne, à un rythme beaucoup plus lent (d’où son nom).

Un équipement minimaliste mais efficace

Pour cette expérience, mon équipement était très simple :

• Un scanner Baofeng UV-5R, utilisé uniquement en réception : émetteur-récepteur portable bi-bande VHF/UHF, utilisé sur la fréquence 145.800MHz (fréquence internationale de l’ISS)
• L'application Robot36 : pour décoder les signaux via des algorithmes de traitement du signal pour transformer les variations sonores en pixels colorés
• Aucun matériel supplémentaire : juste l'antenne standard du scanner

Technical Evidence

Le processus de capture

1. Préparation : vérification de l’annonce de l’événement sur le site de l’ARISS
2. Planification : identification des passages favorables de l’ISS au-dessus de ma position via une application spéciale capable de prédire les différents passages des satellites. Un passage de l'ISS au-dessus d'un point d'observation dure environ 5 à 8 minutes. Cette fenêtre temporelle nécessite une préparation et une réactivité pour ne pas manquer l'opportunité.
3. Configuration technique : réglage du scanner sur 145,800 MHz en mode FM. Ajustement du squelch (filtre de bruit) au minimum pour ne pas manquer les signaux faibles, et volume sonore à un niveau moyen.
4. Positionnement : installation de mon installation (scanner + téléphone) dans un endroit dégagé de mon jardin sans arbres alentours pour éviter de bloquer la réception des signaux
5. Phase d'écoute : lorsque l'ISS commençait à être à portée radio, un son caractéristique devenait audible - un sifflement aigu avec des variations de tonalité, ressemblant à un modem des années 90.
6. Décodage en temps réel : en plaçant mon téléphone à côté du haut-parleur du scanner, l'application Robot36 est capable de décoder ces sons en une image qui se forme progressivement, ligne par ligne.
7. Documentation : capture d'écran et sauvegarde de chaque image reçue, avec enregistrement de l'heure et des conditions de réception.

La formation complète d'une image prend entre 2 et 3 minutes, pendant lesquelles il est important de maintenir une bonne réception. Le résultat final varie selon les conditions : interférences, position de l'ISS, obstacles entre la station et l'observateur.

Résultats et reconnaissance officielle

Au cours des deux sessions (décembre 2020 et décembre 2021), j'ai réussi à capter plusieurs images. La qualité variait selon les conditions atmosphériques et la position de l'ISS par rapport à mon lieu d'observation.

Technical Evidence

Ces images, généralement commémoratives ou éducatives, sont sélectionnées par les agences spatiales pour leur valeur historique ou pédagogique.

Après avoir soumis mes images captées au site officiel d'ARISS, j'ai reçu deux certificats de participation, authentifiant ma contribution à cet événement international.

Technical Evidence

De l'espace à la cybersécurité : des compétences transférables

Cette expérience apparemment anodine partage étonnamment plusieurs points communs avec le domaine de la cybersécurité :

La démarche d'identification, d'interception et d'analyse des signaux radio reflète exactement la méthodologie utilisée en sécurité informatique. Dans les deux cas, il s'agit de comprendre comment l'information est transmise, d'intercepter des données spécifiques et de les décoder pour en extraire du sens. Cette expérience développe également une "pensée latérale" essentielle en sécurité informatique - la capacité à comprendre les couches de transmission, à analyser des signaux non conventionnels et à interpréter des données brutes.

Les compétences acquises lors de telles expérimentations ont des applications directes en cybersécurité, notamment pour :

• L'analyse des vulnérabilités des réseaux sans fil : comprendre comment les données sont transmises par les ondes aide à identifier les faiblesses potentielles, et savoir comment les signaux peuvent être interceptés permet d'imaginer de meilleures défenses
• La sensibilisation aux risques des communications non chiffrées : les transmissions SSTV de l'ISS sont non chiffrées, illustrant parfaitement pourquoi le chiffrement est essentiel pour les données sensibles, et donc les enjeux du chiffrement aujourd’hui.

Une passerelle entre deux mondes

Qu'il s'agisse de capter des signaux de l'espace ou de sécuriser des systèmes d'information, la méthodologie reste fondamentalement similaire : comprendre comment l'information est transmise pour mieux l'analyser et la protéger.

Cette expérience SSTV illustre parfaitement comment la curiosité technique et l'approche méthodique peuvent créer des ponts entre différents domaines technologiques. La prochaine fois que vous entendrez parler de la Station Spatiale Internationale, rappelez-vous qu'avec un équipement adapté, vous pourriez, vous aussi, établir votre propre connexion avec l'espace.

Et vous, entre débris spatiaux, risques de cyberattaques et augmentation de la militarisation, comment percevez-vous l'évolution des menaces dans l'espace?